« Et si tu n’existais pas
Dis-moi pourquoi j’existerais »
et
« Et si tu n’existais pas
Je ne serais qu’un point de plus
Dans ce monde qui vient et qui va
Je me sentirais perdu »
C’était donc quinze ans avant Internet.
Aussi, ce que pouvait affoler Joe Dassin n’était qu’une éventuelle inexistence de sa belle et pas celle du réseau des réseaux.
Tout change : trente ans après la naissance du web, on dit que faute d’un site, c’est simplement comme si l’on n’existait pas.
Vient à présent s’ajouter la grosse artillerie des comptes YouTube, Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat. And counting…
Dieu me garde, je n’en ai aucun.
Et c’est drôle, puisque je n’ai point la sensation de mon inexistence ces trois dernières décennies1. Bien au contraire.
J’ai échappé ainsi au plus effrayant (gas)pillage dont une personne peut être victime durant sa vie : celui du temps.
Ce qui put être sauvé, je l’ai cédé en partie pour satisfaire les besoins d’une révélation somme toute assez tardive :
L’écriture, source d’une joie sans pareil.
Toutefois, nul ne saurait noircir une feuille blanche (ou un écran) avant d’avoir vu et revu son bébé cent fois, mille fois…
Et voilà comment j’ai pu découvrir la plus riche denrée pour l’intellect, peut-être encore plus substantielle que la lecture.
Car elle tire tout son meilleur de son propre moi pour nourrir en retour ce même intérieur-là. Sorte de circuit fermé.
Et c’est comme ça que l’on devient accro.
Vingt ans en arrière, j’ai composé le premier écrit plus ou moins cohérent et – je crois – digne de ce nom et que je redécouvre.
Dix ans après, au seuil de la publication d’un recueil d’essais, j’ai mis fin à une longue péripétie avec un éditeur français.
Enfin, l’année passée, plusieurs revues littéraires n’ont pas tenu à publier une collection de nouvelles et de courtes histoires.
L’édition, c’est dur lorsqu’on ne lit plus.
Plus dur encore est néanmoins de rester l’otage de son propre univers d’idées, comme aussi de joies, craintes et incertitudes.
Ces derniers temps et de plus en plus souvent, à ce point-là elles sont nombreuses, que l’on finit par plier sous leur charge.
Autant alors joindre l’utile à l’agréable et m’affranchir du statut de pixel déploré par Dassin en les offrant au monde entier.
Puisque c’est ainsi… “Hello World !”, n’est-ce pas ?
LECORBEAU.BLANC2