Progressistes, conservateurs et régressistes

Catégorie: Essais

Depuis tou­jours et d’un point de vue très pré­cis, l’humanité se regroupe en trois classes ou caté­go­ries: celle des pro­gres­sistes, celle des conser­va­teurs et celle des régres­sistes. À part ces trois caté­go­ries, il existe pour­tant encore une qua­trième, hors classes.

Par prin­cipe:

  • Les pro­gres­sistes remettent en ques­tion les acquis, secouent l’ordre éta­bli et font bou­ger les choses. Ils avancent. Grâce à leurs éner­gies et audace, nous ne chas­sons plus le loup avec des pieux en bois, coif­fés de têtes d’ours, man­geons des repas chauds et avons l’Internet.
  • Les conser­va­teurs repoussent la vision des pro­gres­sistes et veulent s’en tenir à l’ordre éta­bli en tirant les leçons du pas­sé. Ils se satis­font des pro­grès et acquis confir­més. Grâce à leur men­tal réflé­chi, nous gar­dons la famille, les bonnes manières et nos amis à quatre pattes.
  • Les régres­sistes dénoncent l’entier par­cours de la civi­li­sa­tion, se pro­jettent à l’origine de l’homme créé ou évo­lué, aspi­rant à la loi des choses tra­cée par la nature. Ils regrettent une dérive triste, constante et impla­cable. Grâce à ceux-là, nous buvons encore l’eau des sources.

Du pas­sé que tout cela. Autour, ces attri­buts ont chan­gé du tout au tout. Dans l’acception qui pré­vaut à ce jour:

  • Un pro­gres­siste n’est pas (ou plus tel­le­ment) quelqu’un ou quelque chose qui marche – ou sou­haite mar­cher – en avant, dans une direc­tion quel­conque, bonne ou mau­vaise, afin de pas­ser au delà d’un état don­né. C’est avant tout, mais sans limi­ta­tion, quelque chose ou quelqu’un qui nour­rit un inté­rêt actif pour le social, l’abolition des genres, les droits de la femme et de l’homme, la répar­ti­tion des res­sources et de la richesse, l’écologie. En appa­rence et à son insu, le pro­gres­siste est une exten­sion natu­relle – mais non récla­mée ou assu­mée – du socia­liste, voire du com­mu­niste. Bref, c’est la facette lumi­neuse du monde qui nous entoure.
  • Un conser­va­teur n’est pas (ou plus tel­le­ment) quelque chose ou quelqu’un qui veut main­te­nir un état de faits, bon ou mau­vais. C’est d’abord et sans limi­ta­tion quelque chose ou quelqu’un qui a un rap­port étroit avec l’avoir et le pou­voir, binôme qui est lié au mépris et à la domi­na­tion. Dès lors, par une exten­sion cen­sée nor­male dont il ne se recon­naît guère, le conser­va­teur est trans­for­mé en réac­tion­naire, popu­liste, fon­da­men­ta­liste et tra­di­tio­na­liste, alors que réac­tion, peuple, fon­de­ment et tra­di­tion n’ont aucune conno­ta­tion néga­tive, et cela encore aujourd’hui. Bref, c’est la facette sombre du monde qui nous entoure.
  • Un régres­siste n’est pas (ou plus tel­le­ment) quelque chose ou quelqu’un de nos­tal­gique, pas­séiste, qui – à tort ou à rai­son – déplore le para­dis per­du de l’homme, met­tant en exergue sur­tout ses devoirs, avant de veiller à ses droits. C’est quelque chose ou quelqu’un qui se reven­dique d’un âge révo­lu, qui tire en arrière, le par­fait exclu d’une socié­té qui le traite tel un mar­gi­nal per­du dans les temps, à jamais hors de la réa­li­té, et ain­si négli­geable. Bref, coin­cé entre les facettes lumi­neuse et sombre du monde qui nous entoure, le régres­siste est le chant mince, cise­lé, donc rugueux de la mon­naie, auquel nul n’est dis­po­sé de prê­ter l’attention.

Reste enfin la qua­trième caté­go­rie, hors classes.

  • Elle n’a pas de nom, n’en a pas reçu, est réduite, éparse et peu connue. Ceux qui s’y retrouvent ne sont ni pro­gres­sistes, ni conser­va­teurs, ni régres­sistes. Comme point com­mun ils ne se réfèrent ni au monde qui nous entoure, eux avec, ni aux âges pas­sé, actuel et futur. Ils ont exis­té depuis tou­jours hors du contexte, du contin­gent et du temps. Leurs éner­gies, leurs inté­rêts et leurs repères sont soli­de­ment ancrés loin au-delà: dans l’ineffable. Et cela conti­nue. Grâce à eux, nous pou­vons encore gar­der vif l’espoir de ne pas être seuls dans ce monde.

[16 décembre 2015 – 13 février 2022]

(Les réflexions qui suivent tentent d’obéir à une cohé­rence abso­lue. Ce n’est que sur cette voie que les actions et les idées pour­raient être vali­dées entiè­re­ment. Mais comme par défi­ni­tion la cohé­rence abso­lue de l’homme est uto­pique, toutes ses actions et idées sont des­ti­nées à res­ter des hypothèses.)

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