Dieu, Pierre et la Roumanie

Catégorie: Fiction
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Le compte ren­du dont il sera ques­tion ici a fran­chi tous les âges, les obs­tacles, les conteurs et les oublis. De nos jours, on en parle comme… non, même pas comme d’une légende, c’est… c’est déjà au-delà du mythe, on en parle comme d’une sorte de rêve, de mirage, de… bon, à dire vrai, on n’en sait pas trop. Pour preuve, il est repro­duit ici en pre­mière et en inté­gra­li­té sous la forme d’une tra­duc­tion récente de ce texte. Appa­rem­ment il serait authen­tique, écrit en ara­méen par un moine céno­bite1. nom­mé semble-t-il Melca’El’Lech et se reven­di­quant de la congré­ga­tion basi­lienne2 de Saint-Georges 3, en Antioche syrienne 4.

Plu­sieurs faits retiennent l’attention. L’originalité du texte d’abord, voire même sa nature pour ain­si dire “divine”, si ce n’est fan­tas­tique, mais clai­re­ment unique. C’est au fond d’un gîte tro­glo­dyte près de Rmah, petite enclave chré­tienne située en pleine terre sun­nite (actuel­le­ment) liba­naise, que le docu­ment fut décou­vert acci­den­tel­le­ment par un pay­san armé­nien réfu­gié depuis 1915. Cela se pas­sait en 1922. Incrus­té sur une peau de chèvre, il fut trou­vé dans un état de conser­va­tion suf­fi­sam­ment accep­table pour pou­voir être déchif­fré. Réa­li­sée qua­rante ans plus tard avec des moyens modernes, la data­tion l’a pla­cé bien avant la pre­mière croi­sade, pro­ba­ble­ment vers l’an 1020. Cette valeur est en géné­ral admise. En revanche, la fidé­li­té et la pré­ci­sion de la trans­crip­tion sont sans cesse âpre­ment dis­pu­tées depuis la pre­mière ten­ta­tive de 1929, aus­si bien que, et plus encore, l’identité et la qua­li­té de l’auteur. Le but ici n’est pour­tant pas d’alimenter cette vive polé­mique, mais de sai­sir tant que faire se peut ce témoi­gnage essen­tiel, sans pré­cé­dent et hors du com­mun, dans la ver­sion dis­po­nible actuel­le­ment. Il dit:

Je te salue, mon bon ami, oh, toi bien­veillant anag­noste. Voi­ci l’écriture de ton humble ser­vi­teur Mala-lhe et ce que tu dois lire à tes frères. Sois atten­tif. On dit que c’était comme un mer­cre­di matin. Se res­sen­tant légè­re­ment après un début de semaine d’intense labeur, pre­miè­re­ment à éclai­rer une obs­cu­ri­té lourde, épaisse et tenace, ensuite à souf­fler de l’air sous des cieux nou­veaux pour faire bou­ger les nues de là à là, et enfin à faire de l’eau, fina­le­ment Il s’assit. Et voi­là Pierre. «Bon Jour.» «Aaa, bien le bon Jour, Pierre 5. Comme tu dis si juste ! En véri­té : c’est comme un mer­cre­di, troi­sième Jour, et c’est de nou­veau un bon Jour. Le reste d’ailleurs aus­si. Car tout ce que Je fais est bon. Et beau.» «Oui. Il me suf­fit de regar­der main­te­nant ce grand et beau ciel.» «Tu as rai­son, Pierre. Je viens de le faire.» Sur ce, Il Se retour­na et replon­gea dans Son tra­vail. Regar­dant vers le bas, Pierre vit émer­veillé les eaux vierges et claires s’écumant, remuant et s’unissant par endroits, et ouvrant de larges par­ties sans eaux. Et enten­dit: «Ça, là, c’est la mer: elle est humide. Ça, là, c’est la terre: elle sépa­rée de la mer et elle est sèche. Et ça, par­tout, c’est l’air: il est sec et humide, ou ni sec ni humide. Tout est bon, et beau.» Pierre acquies­ça, puis aper­çut aus­si­tôt comme la terre sèche et l’eau humide se met­taient ensemble. Et ce mélange don­nait comme un limon, qu’Il bras­sait et pétris­sait. Le limon se mode­lait lon­gue­ment et se façon­nait soi­gneu­se­ment. Ici c’était entas­sé, là éta­lé, ci il se creu­sait, là il y avait des mottes, ci c’était mouillé, là plu­tôt dur, mais dans les sillons l’eau cou­lait jusqu’à la mer. Après, Il s’inclina légè­re­ment en arrière, comme pour un peu mieux appré­hen­der le tout, et dit: «C’est bien.» De pou­voir contem­pler tout cela – oh, mon frère – Pierre était ébloui, et il enten­dit: «Je suis content. Mais ce n’est pas tout.» Car le Jour n’était pas fini, et il enten­dit à nou­veau: «Ce qu’est déjà est bien, mais c’est encore vide. Main­te­nant il y aura la vie. Tout sera rem­pli de vie.» Et Pierre décou­vrit ain­si les plantes vertes, les fleurs avec des cou­leurs, les buis­sons avec des épines, les arbres avec des fruits et Le vit prendre des bottes entières d’herbe verte et les répandre, des tas de fleurs et de buis­sons et les plan­ter, et des piles d’arbres et les plan­ter aus­si, et des ani­maux grouiller sur la terre et des pois­sons pul­lu­ler dans l’eau. Mais pas par­tout. «Qu’est-ce que Tu fais main­te­nant ?» «Eh bien, à pré­sent Je pré­pare les pays.» «Ah.» Mais Pierre vit qu’à cer­tains endroits il y avait et des mers, et des sillons avec de l’eau, et beau­coup de plantes et encore plus d’arbres et de fleurs. Et il vit aus­si qu’ailleurs il n’y avait pas de mer et peu de sillons, que la terre était dure et froide, et qu’il y avait beau­coup de pous­sière et de la pier­raille. Alors met­tant son doigt sur la Rou­ma­nie, Pierre deman­da éton­né: «Mais pour­quoi donc est-ce que Tu fais des pays où il y a en abon­dance des choses magni­fiques, et Tu fais d’autres pays où il n’y a que de la rocaille, des char­dons, le feu des vol­cans et pas une goutte d’eau?» Et Il dit: «T’en fais pas, Pierre, tu as déjà vu que tout ce que Je fais est bon, sage et har­mo­nieux. Attends juste un peu que Je finisse, ce sera comme un ven­dre­di, et tu ver­ras toi-même ce que Je vais lui don­ner comme peuple.»” 6

[25 sep­tembre 2017 – 20 mars 2023]

  1. Mode de vie monas­tique com­mu­nau­taire (gr. κοινός – en com­mun et ζωή – vie)
  2. Rela­tif aux pré­ceptes de Saint Basile, répu­té comme ini­tia­teur du monachisme
  3. Monas­tère chré­tien fon­dé au VIe siècle par l’empereur byzan­tin Justinien.
  4. Ville his­to­rique située en Tur­quie depuis 1939 et siège du Patriar­cat grec-ortho­doxe d’Antioche, de la Syrie et de tout l’Orient.
  5. Lors de cette lec­ture, il convient de ne pas omettre que la notion de temps en tant que notion admise dans l’univers maté­riel n’existe pas dans celui où a lieu le récit.
  6. Ins­pi­ré de mémoire d’une vieille blague roumaine.
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3 réponses

  1. Hel­lo Matei.
    Cela me fait pen­ser au fait que com­bien d’homme ont fait des choses extra­or­di­naire dans leur vie. Comme d’après moi un des meilleures exemple Jesus. Je me sou­vien­drai tou­jours la fois où je suis venu chez vous étant enfant et regar­der le tableau avec l’arc-en-ciel autour du Soleil qui n’est pour moi pas une coïn­ci­dence. Penses tu que cela est un signe de Dieu ? Pour ma part je pense que oui. C’est pour dire que chaque homme dans leur vie que ce soit la vie du Grand Pop Rou­main ou Jesus, Dieu ne fait pas les choses à moitié !
    Je me suis beau­coup ques­tion­né par rap­port au don ou cadeau que le créa­teur a don­né à de grands hommes comme le signe de l’arc-en-ciel ou alors la résur­rec­tion de Jesus. J’ai cette ques­tion pour toi. Crois tu que Dieu donne la vie à ces hommes qui font des choses extra­or­di­naires, pour être ensuite remer­cier par Dieu grâce à leur vie mener ? Parce qu’ils plaisent à Dieu.
    Mer­ci d’avance pour ton retour. Salutations
    Danick

    1. Mon cher Danick, ton com­men­taire m’a beau­coup tou­ché car tu pointes là des choses essen­tielles. Plu­tôt que de te répondre par mes­sage je te pro­pose que l’on se retrouve autour d’un café pour en dis­cu­ter. Si t’es d’accord, fais une pro­po­si­tion par What­sApp. A+ Matei

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