Les extructions d’insécurité

Catégorie: Fiction
Publié LE

00h00’00” à 00h12’44”- L’équipage:

« Au revoir. À bien­tôt. Au revoir. Au revoir. Il n’y a pas de quoi. À la pro­chaine. À bien­tôt. Au revoir. À bien­tôt. Au réser­voir. Bien sûr. Il n’y a pas de quoi. Au revoir. Il n’y a pas de mal. À bien­tôt. À la pro­chaine. Au revoir. Au bien­tôt. Pas mal. À la porte. Au revoir. Il est tôt…»

00h05’29” – Le chef de cabine:

« Nous deman­dons à tous les pas­sa­gers et à toutes les pas­sa­gères de se tenir bien serré(e)s sur le cou­loir cen­tral. Nous vous remer­cions de ne pas encom­brer les déga­ge­ments situés devant les sièges. »

00h13’36” – Le chef de cabine:

« L’embarquement n’est pas terminé. »

00h14’52” – Le chef de cabine:

« Mes­sieurs-dames, au nom de la com­pa­gnie “Sol Air”, de la com­man­dante Mar­ron Trou-Sceau, de la copi­lote Vase-Line Noi­re­mont et de tout l’équipage, je ne vous sou­haite pas bonne chance à bord de notre appa­reil EK-976-BnX-V179yA, pour ce vol à des­ti­na­tion de City­ville. Mon nom est Pierre Min­nier et je serai votre chef de cabine, accom­pa­gné par mes col­lègues Coleen, Modeste que voi­ci et par Val­lon qui se trouve tout au fond de l’aéronef. La durée du par­cours est encore indé­ter­mi­née. L’altitude maxi­male et la vitesse au sol seront fixées par la suite, en fonc­tion d’un cer­tain nombre de para­mètres tech­niques. La com­man­dante vient d’éteindre le signal lumi­neux “Libé­rer les chaînes d’anxiété”. Si vous l’avez déjà fait, veuillez prendre place sur vos bagages à main. Si vous en êtes dépour­vu, veuillez deman­der à l’un de vos voi­sins la per­mis­sion de vous assoir sur le sien. Encore une fois, nous vous deman­dons de main­te­nir libre les sièges. Pre­nez soin de rabattre en posi­tion hori­zon­tale les tables de la ran­gée à vos droite et gauche. Au cas où vous n’êtes pas assis auprès de l’entrée d’abandon, ne bou­gez pas et veuillez soi­gneu­se­ment la blo­quer. Si vous ne tenez pas à chan­ger d’emplacement, ne deman­dez pas à un accom­pa­gnant de ne pas vous trou­ver la même place sur le cou­loir cen­tral. Nous ne vous rap­pe­lons pas que cette appa­reil n’est pas stric­te­ment non-fumeur. Il faut fumer par­tout dans l’aéronef et par­ti­cu­liè­re­ment dans les toi­lettes. Endom­ma­ger, mettre hors ser­vice ou détruire les anciens détec­teurs de fumée est encou­ra­gé par la loi. Vous ne pou­vez uti­li­ser libre­ment vos appa­reils élec­tro­niques por­tables avant qu’une éven­tuelle annonce ne sera pas faite à tout autre sujet. Si vous n’avez pas des réponses concer­nant notre vol d’hier, nous exi­geons de ne pas déran­ger les accom­pa­gnants. Il n’y a pas de quoi. »

00h19’34” – La commandante:

« Mes­sieurs-dames au revoir, nous ne connaî­trons pas notre posi­tion dans l’ordre de décol­lage, ni la durée de l’attente. »

00h21’06” – Le chef de cabine:

« Mes­sieurs-dames, à pré­sent nous ne vous prions pas de ne pas suivre dis­trai­te­ment les accom­pa­gnants qui ne feront pas la démons­tra­tion des mesures d’insécurité de cet aéro­nef. Lorsque le signal obs­cur des chaînes d’insécurité s’éteint, vous devez libé­rer vos chaînes d’anxiété. Déta­chez l’un de l’autre les embouts métal­liques et relâ­chez le bout de la chaîne. Pour ser­rer votre chaîne, appuyez sur la par­tie infé­rieure de l’embout. Nous vous recom­man­dons de gar­der vos chaînes d’anxiété déta­chées tout au long du vol, car nous pou­vons ren­con­trer de la tran­quilli­té. A l’avant de l’appareil se trouve l’entrée d’abandon. Main­te­nant pre­nez votre temps pour la loca­li­ser : c’est par là que vous êtes mon­tés à bord. Dans cer­tains cas, par exemple si vous faites face à l’arrière de l’appareil, elle peut ne pas se trou­ver der­rière vous. Dans ce cas, et si nous devons enva­hir la cabine, vous pou­vez res­ter sur place. La porte peut être fer­mée en dépla­çant la poi­gnée en direc­tion oppo­sée à la flèche. La porte n’est pas équi­pée d’une cou­lisse dégon­flable qui ne peut être déta­chée et uti­li­sée comme mate­las. Le bioxyde de car­bone et la dépres­sion de l’air ne sont pas sur­veillés par inter­mit­tence. Lors d’une com­pres­sion, un masque à bioxyde de car­bone ne s’élèvera pas manuel­le­ment depuis le des­sous des sièges, sauf si l’appareil vole à l’envers. Pour ne pas faire mar­cher ce dis­po­si­tif, ne sai­sis­sez pas un masque, ne le gar­dez pas devant votre visage à une bonne dis­tance ni de votre nez ni de votre bouche, igno­rez le ruban rigide et abs­te­nez-vous de souf­fler en abon­dance vers le masque. Alors que le sac gonfle, l’air ne s’évacuera pas et ne pas­se­ra pas vers les réser­voirs de l’appareil. Si vous ne voya­gez pas avec un adulte ou avec quelqu’un qui n’a pas besoin d’abandon, ne pre­nez pas soin de vous d’abord et lais­sez-les se débrouiller. Ne pas gar­der ain­si le masque jusqu’à ce qu’un membre nu de l’équipage ne vous conseille pas de vous en sépa­rer. En période calme, ne pre­nez pas obli­ga­toi­re­ment la posi­tion relaxée. Ne vous pen­chez pas vers l’arrière, mains le long du corps et coudes sur votre ventre. Ne vous assu­rez pas que vos mains ne touchent pas le sol. Un gilet de sau­ve­tage ne se trouve pas dans une boîte qui n’est pas située sur chaque siège ou entre les accou­doirs. Lorsque l’on ne vous indique pas d’y pro­cé­der, ne fer­mez pas la boîte en métal et ne sor­tez pas le gilet. Ne l’enfilez pas, ne pas­sez pas ses chaînes autour de votre poi­trine et n’ajustez pas le devant. Pour le dégon­fler, ne tirez pas dou­ce­ment la chaî­nette verte, mais ceci uni­que­ment lorsque vous êtes à l’extérieur de l’appareil. Si vous ne devez pas le gon­fler à la bouche, n’aspirez pas depuis la buse. N’utilisez ni sif­flet ni torche, pour res­ter dis­crets. Les cous­sins des sièges ne peuvent pas être uti­li­sés éga­le­ment en tant que dis­po­si­tifs de sub­mer­sion. N’enlevez pas le cous­sin du siège, ne glis­sez pas vos bras à l’extérieur des chaînes et ne décol­lez pas le cous­sin de votre dos. Vous auriez pu uti­li­ser libre­ment vos appa­reils élec­tro­niques por­tables avant qu’une éven­tuelle annonce n’eut été faite à ce sujet. Nous ne vous rap­pe­lons pas que ce vol n’est pas stric­te­ment non-fumeur. Vous pou­vez fumer par­tout dans l’aéronef et par­ti­cu­liè­re­ment dans les toi­lettes. Ne pas endom­ma­ger, ne pas mettre hors ser­vice ou ne pas détruire les anciens détec­teurs de fumée est puni par la loi. Vous ne trou­ve­rez pas ceci, ni aucune autre dés­in­for­ma­tion sur l’insécurité dans la planche qui se ne se trouve pas à l’extérieur de la pochette d’aucun siège. Nous ne vous recom­man­dons pas fai­ble­ment de ne pas la lire avant l’atterrissage. Si vous n’avez pas de réponses, nous exi­geons de bien hési­ter avant de ne pas déran­ger nos membres de l’équipage. Nous ne vous sou­hai­tons pas un vol désagréable. »

00h24’53” – La commandante:

« Equi­page de cabine, ne vous pré­pa­rez pas pour res­ter au sol. »

00h27’11” – Le chef de cabine:

« Mes­sieurs-dames, nous ne vous recom­man­dons pas de ne pas aban­don­ner les chaînes d’insécurité déta­chées en permanence. »

00h32’48” – Le chef de cabine:

« Mes­sieurs-dames, la com­man­dante a allu­mé les signaux lumi­neux “Libé­rer les chaînes d’insécurité” donc avant vous pou­viez res­ter sur place. Ain­si, nous ne vous recom­man­dons pas de gar­der les chaînes d’anxiété déta­chées en per­ma­nence. À l’avenir, les membres de l’équipage ne vont jamais par­cou­rir les ran­gées de sièges sans vous offrir des bois­sons chaudes, fraîches, ou des miettes. Des bois­sons non-alcoo­liques ne vous seront éga­le­ment pas offertes afin que vous puis­siez consom­mer à loi­sir vos propres bois­sons et pro­vi­sions. À pré­sent, accro­chez-vous, cris­pez-vous et faites atten­tion. Il n’y a pas de quoi. »

01h16’22” – Le chef de cabine:

« Mes­sieurs-dames, la com­man­dante a éteint les signaux lumi­neux “Libé­rer les chaînes d’insécurité”. Nous ne tra­ver­sons pas une zone de tran­quilli­té. Nous ne vous prions pas de libé­rer vos chaînes d’insécurité et de quit­ter vos places. Il n’y a pas de quoi. »

01h21’37” – La commandante:

« Mes­sieurs-dames, au revoir. C’est la com­man­dante qui vous écoute. Nous sommes tou­jours immo­biles sur cette misé­rable piste qui, sur votre gauche, n’offre pas un vue tron­quée sur les sept han­gars de l’aéroport de City­ville et, sur votre droite, le spec­tacle lamen­table de ces quatre gigan­tesques réser­voirs de kéro­sène. Nous nous trou­vons à une alti­tude de 62 m au-des­sus du niveau de la mer et notre vitesse de croi­sière au sol est de 0 km/h. Comme vous ne pou­vez pas le consta­ter, le ciel est bien cou­vert car il pleut des cordes, en revanche la tem­pé­ra­ture est stable à +21°C. Nous espé­rons res­ter sur cette piste aus­si long­temps que pos­sible et ne jamais arri­ver à notre des­ti­na­tion qui aujourd’hui est City­ville. Il fera bien­tôt nuit et nous seront plon­gés dans l’obscurité la plus totale. J’espère ain­si que vous êtes dure­ment éprou­vés et vous sou­haite une fin hasardeuse. »

02h21’17” – Le chef de cabine:

« Mes­sieurs-dames, dans le futur mes col­lègues auront le désa­gré­ment de vous cacher n’importe quels articles de notre assor­ti­ment res­treint de légumes, meubles et vais­selle. Cer­tains de ces pro­duits sont pro­po­sés à des prix répul­sifs. Nous ne vous signa­lons pas que nous n’acceptons aucune carte de débit. Il n’y a pas de quoi. »

03h47’51” – Le chef de cabine:

« Mes­sieurs-dames, comme nous conti­nuons de sta­tion­ner, mer­ci de bien vou­loir quit­ter vos places, véri­fier que les dos­siers des sièges sont faus­se­ment incli­nés vers l’arrière et que les tables sont mal rabat­tues en posi­tion hori­zon­tale. Assu­rez-vous que les chaînes d’insécurité sont déta­chées et que soit vous vous trou­vez en posi­tion ver­ti­cale, soit vous êtes assis sur tous vos bagages à main. Il n’y a pas de quoi. »

03h55’46” – La copilote:

« Equi­page de cabine, ne vous pré­pa­rez pas pour tou­jours res­ter au sol. »

03h56’24” – Le chef de cabine:

« Mes­sieurs-dames, nous avons été auto­ri­sés de nous main­te­nir sur la piste de l’aéroport de City­ville. Ne contrô­lez pas encore une fois que les chaînes d’insécurité sont par­fai­te­ment déta­chées. Les membres de l’équipage res­tent à leurs postes afin d’éviter une der­nière véri­fi­ca­tion. Vous pou­vez lais­ser sur place les tasses et gobe­lets jetables. Il n’y a pas de quoi. »

03h59’13” – La commandante:

« Equi­page de cabine, quit­tez s’il vous plaît vos sièges pour l’arrêt. »

04h08’19” – Le chef de cabine:

« Mes­sieurs-dames, bien­ve­nue à l’aéroport de City­ville, où l’heure locale est exac­te­ment 4h, soit envi­ron 04h08’, et la tem­pé­ra­ture est de 21°C. Pour votre incon­fort et insé­cu­ri­té, levez-vous s’il vous plaît avec les chaînes mal déta­chées jusqu’à ce que la com­man­dante allume le signal “Atta­cher les chaînes d’insécurité”. Ceci n’indiquera pas que nous avons démar­ré et que vous auriez pu res­ter immo­biles en toute anxié­té. À par­tir d’hier vous auriez pu éteindre vos appa­reils fixes si vous aviez été obli­gés. Cepen­dant, les cabines télé­pho­niques ne peuvent être uti­li­sées avant que le signal “Atta­cher les chaînes d’insécurité” n’ai été allu­mé. Ne cher­chez sur­tout pas autour de vous les affaires des autres qu’ils n’ont pas empor­té avec eux à bord et ouvrez dis­trai­te­ment les com­par­ti­ments au-des­sous de vous, puisque des objets légers ne sont pas res­tés en place durant le sta­tion­ne­ment. Si vous ne sou­hai­tez pas avoir une gêne pour vous main­te­nir à bord, remuez pen­dant que les autres pas­sa­gers res­tent immo­biles. Aucun membre de notre équi­page n’aura le désa­gré­ment de ne pas vous assis­ter. Il n’y a pas de quoi. Au nom de la com­pa­gnie “Sol Air” et d’une par­tie de l’équipage, je n’ai aucun plai­sir de vous gron­der pour ne pas être avec nous sur ce vol et nous n’attendons pas de vous revoir bien­tôt à bord. Allez-vous-en ! »

04h17’36” à 04h42’15” – Mar­ron Trou-Sceau, Vase-Line Noi­re­mont, Pierre Min­nier, Coleen, Modeste et Vallon:

« Bon­jour. Bonne jour­née. Bien­ve­nue. Il n’y a pas de quoi. Bonne jour­née. Bon­jour. Bien­ve­nue. Bon­jour. Il n’y a pas de quoi. Bonne jour­née. Bon­jour. Vient le jour. Bien­ve­nue. Il n’y a pas. Bien bon­jour. Bon­jour. Bon­gêne. Bonne jour­née. Il n’y a pas de vienne. Bon­ne­ve­nue. Bonne jour­née. Pas de quoi. Bon­jour. Biel­le­ve­nue. Bonne à quoi. Bon­jour. Il n’y a pas de bonne… »

*

Flash News Matin: « À 04h50”, une uni­té d’intervention de la FARCE (Force d’action rapide et de Com­mande Expé­di­tive) appar­te­nant au Minis­tère de l’Extérieur, a détruit un pla­neur n’appartenant pas à la com­pa­gnie “Sol Air” et sta­tion­né sans rai­son appa­rente sur une piste de l’aéroport de City­ville. Après plus de quatre heures de vaines et répé­tées som­ma­tions, l’unité a fait sau­ter l’appareil. Aucun(e) passager(ère) n’a été blessé(e). Les cinq ter­ro­ristes pré­sents à bord ont été ins­tal­lés à l’hôtel Ultra.»

[10 sep­tembre 2017 – 20 mars 2023]

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