«Il y a trois types de mensonges:
mensonges,
mensonges grossières et
statistiques.»
(Attribué à Winston Churchill)
«Un mort? Une tragédie.
Un million de morts? De la statistique.»
(Atribué à Iossif Vissarionovitch Djougachvili, dit Staline)
Que nous le voulions ou non, nous ne sommes tous pas plus que des statistiques. Éléments de statistiques. Des plus diverses. La principale chose est que nous vivons. (Et – accessoirement – que nous votons.) Mais aussi que nous mourrons. Pour elles. Sans nous, zéro statistiques. En revanche, plus nous sommes et plus il y aura de la matière pour elles. Et mieux elles se porteront. Notre pouvoir est par conséquent immense! Au moins devrait-il l’être.
Mais que dal. Des banav que tout cela! Nous ne sommes tous rien d’autre que des éléments de statistiques avec pouvoir zéro à part celui de nous voir placés à notre insu dans telle ou telle zone, groupe, catégorie ou position, à tel ou tel rang ou niveau, etc. Quant au critères de classement, leur nombre est infini, et si par hasard il venait à finir, il s’en trouverait encore de nouveaux.
Accoutumances, achats, activité, âge, aide, animaux, aversions, avoirs, casiers, chomage, civisme, crédits, cultes, délits, dépenses, enfants, épargnes, état civil, études, fortune, habits, habitudes, infractions, intérêts, lectures, loisirs, maladies, mariage, métiers, meurtres, migration, misère, mobilité, mortalité, natalité, politique, occupations, origines, penchants, pendularité, poids, préférences, salaires, sexe, soucis, souhaits, sport, tailles, vacances, vice, vitesse.
Les % règnent partout, sans partage. Tout et n’importe quoi se mue en pour-cent par rapport au but choisi pour la circonstance: population du pays, de la région, de la ville, classe d’âge, niveau de vie, espérance de vie, choix, tendances, prévisions, dynamique. Difficile de savoir si le lointain inventeur du % en tant que signe ou référence l’aura fait parce qu’à son époque la population était nettement moins nombreuse, et que dès lors une petite centaine satisfaisait pour présenter un repère raisonnablement révélateur.
Une chose est sûre: les % des statistiques sont des commodities, des raw materials, c’est-à-dire des matières brutes de première nécessité qui se négocient au dessus de nos têtes, tel que le pétrole ou le blé, sauf que nous en sommes les composantes anonymes et infimes, comme pour l’opinion publique de la communauté internationale 150.
Le plus frustrant est que nous sommes strictement sans défense aucune envers ces statistiques dont on est le combustible et qui circulent librement parmi nous, sans demander pardon ou crier gare. Nous sommes situés furtivement dans les 9.21% du groupe tel ou classés dans les 43.18% de tel autre, alors que notre identité est caractérisée par d’autres et bien plus de qualités et de défauts.
*
Allons! Ce n’est pourtant pas une raison d’être déprimés pour autant. Vivants ou morts, morts ou vivants, ceci donne tout de même un minimum de sens à notre existence. Actuelle et future. Le sillon que nous creusons dans la vie et la trace qui nous suivra après la mort se retrouve(ro)nt largement dans nombre de ces %.
[12 septembre 2023]