Les organes, quel exemple!

Catégorie: Essais

Cer­tains ont besoin de leur vie entière pour prendre vrai­ment conscience d’une réa­li­té exem­plaire, soit la faveur consti­tuée avec nul apport per­son­nel par la jouis­sance de ce dis­po­si­tif presque mira­cu­leux que la Mère Nature (cer­tains disent le Sei­gneur) leur offre sans contre­par­tie: leur propre corps. Un grou­page d’outils dis­po­sés confor­mé­ment à une logique par­faite, un assem­blage de fonc­tions néces­saires et suf­fi­santes à une exis­tence équi­li­brée, le tout concen­tré à l’essentiel, sou­vent avec des emplois mul­tiples. Pre­nons ceux des exemples qui sont par­mi les plus importants.

Le cer­veau est le poste stra­té­gique de com­mande qui contrôle et règle tout. Il est pla­cé à des­sein en haut de la struc­ture, dans une boîte ren­for­cée. Les nerfs créent un tis­su de trans­mis­sion infi­ni qui pousse les ordres du cer­veau jusqu’aux der­niers recoins du corps. Le cœur est le moteur de la loco­mo­tive qui met tout en marche et fait mou­voir l’ensemble. C’est aus­si le second cer­veau, celui qui anime tout. Le sys­tème san­guin est un réseau rou­tier on ne peut plus sophis­ti­qué, où se croisent les véhi­cules de la vie. Le sys­tème lym­pha­tique est un second réseau, pédestre. Il passe par une sta­tion qui est la rate. Le sque­lette est la struc­ture de sou­tien de l’édifice, son arma­ture. Les muscles forment un méca­nisme varié qui fait bou­ger le corps dans tous les sens. La bouche est la porte d’entrée de l’alimentation. Elle s’ouvre et se ferme sur ordre du cer­veau et reçoit air, eau et nour­ri­ture pour les envoyer plus loin. L’œsophage est un tobog­gan conti­nu d’eau et de nour­ri­ture. L’estomac est un silo et un centre de trai­te­ment pour ali­ments. Les reins sont le centre de tri pour les liquides. Le foie est aus­si un centre de tri, une sta­tion d’épuration et une déchet­te­rie. Les intes­tins sont des égouts tor­tueux où che­minent les déchets pour être éli­mi­nés. La ves­sie est le bas­sin de réten­tion pour les liquides trai­tés avant l’évacuation. Dans son ensemble, le sys­tème diges­tif est vu comme le troi­sième cer­veau, tout aus­si cru­cial que les deux pre­miers: c’est le siège de l’audace et de l’intuition. Voi­sine de l’œsophage est la tra­chée, qui est un tuyau de ven­ti­la­tion conti­nu. Les pou­mons sont deux souf­flets qui fonc­tionnent par réflexe incon­di­tion­né obéis­sant aux ordres du cer­veau. Iso­lés à la fin du par­cours se trouvent les ins­tru­ments pour l’union des corps par les­quels se per­pé­tue l’espèce. L’utérus est le local qui abrite le fruit de l’union. Là il éclot. À la sur­face il y a la peau qui couvre tout. Elle est man­teau, filtre et rem­part. Et par­tout, abso­lu­ment par­tout, est répan­due l’armée de gar­diens qui défendent chaque pouce de l’ouvrage: ce sont les anti­corps. Manquent seule­ment les bran­chies pour vivre sous les eaux ain­si que les ailes pour voler.

En son entier, cet ensemble si har­mo­nieu­se­ment com­po­sé est extra­or­di­nai­re­ment résis­tant et pour­tant incroya­ble­ment fra­gile. L’homme sain et saint rend grâce chaque ins­tant de sa vie pour cette faveur dont il a hum­ble­ment la conscience qu’il n’en tire nul mérite. L’homme bête­ment sain en revanche passe son temps fleur au fusil en tête de son bataillon rodé for­mé de ces braves sol­dats aux aguets, tou­jours obéis­sants, jamais fati­gués. Comme cha­cun d’eux accom­plit sa propre mis­sion effi­ca­ce­ment, dans la dis­ci­pline et en silence, au mieux a-t-il l’habitude de ne pas se sou­cier, car pour lui ce dis­po­si­tif roule tout seul à la condi­tion de lui assu­rer les deux élé­ments indis­pen­sables que sont l’énergie et l’air. Loin d’en prendre soin, au pire il le tor­ture de mille façons. Il y a enfin l’homme atteint par un mal ou une souf­france plus ou moins grave. Il peut être tout juste misé­ra­ble­ment écra­sé sous sa peine, n’aspirant qu’à être sou­la­gé. Mais il peut aus­si bien s’élever au des­sus, et les meilleurs exemples connus sont à cher­cher dans Le Livre de Job et dans l’Évangile selon Saint Mat­thieu, 26/39, 42: “Allant un peu plus loin, Il tom­ba face contre terre en priant et Il disait: «Mon Père, s’il est pos­sible, que cette coupe passe loin de moi! Cepen­dant, non pas comme Moi Je veux, mais comme Toi Tu veux.” et “De nou­veau, Il s’éloigna et pria, pour la deuxième fois; Il disait: «Mon Père, si cette coupe ne peut pas­ser sans que Je la boive, que Ta volon­té soit faite!” Ces hommes lour­de­ment atteints sont les vrais saints.

Par oppo­si­tion, l’homme naï­ve­ment sain fait erreur. Bien sûr, il n’est de loin pas le seul à avoir reçu ce bien­fait, comme dans le cas de la pen­sée. Au contraire et jus­te­ment, par sa conscience, il est le seul à devoir le recon­naître, remer­cier et s’y conduire en accord, ce qui reste ter­ri­ble­ment rare, car la plu­part, cette faveur ils s’en moquent. L’homme en éveil se devrait d’être conscient de chaque chose, attri­but, élé­ment ou fait dont il est pour­vu ou pro­fite, rai­son com­prise. Il faut dès lors une bonne dose de peine à l’homme sain, un mal­heur solide, tenace, pour qu’il com­prenne que son corps entier n’est pas une don­née immuable de son vécu.

Mais comme fon­da­men­ta­le­ment il est aus­si le seul à avoir reçu la clé du royaume de la Terre, c’est venu dans la nature de l’homme de se por­ter en maître abso­lu dans la froi­deur de ce qui l’entoure, et sui­vant cette piètre logique éga­le­ment de lui-même. S’ajoutent à cet orgueil les ain­si dites “avan­cées tech­no­lo­giques majeures” au tra­vers des­quelles sont engen­drés ces hommes-là que l’on appelle bio­niques et cryo­gè­niques, pour que de cette façon le temple du corps puisse dura­ble­ment muer en un vrai, fier et per­for­mant appa­reillage élec­tro­ma­gné­tique prêt à tout emploi, Made in Earth.

[4 sep­tembre 2023]

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