Eine Familiengeschichte (4/7)

Catégorie: Fiction
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3. Herr Got­thold Alte­rhaus, arrière grand-père, méca­ni­cien de pré­ci­sion retrai­té (1946 -).

«Je ne sais pas ce que ma mère a pu vous racon­ter mais je dois dire que pour moi c’est mieux comme ça. Elle parle beau­coup et par­fois… Bon, l’âge… C’est à vous de… enfin… d’apprécier. Ces gens, elle, comme c’est gens qui ont vécu la guerre, ils ont des opi­nions qui peuvent… je ne sais pas, ça peut par­fois… disons  cho­quer. Moi j’ai une cer­taine estime pour cette géné­ra­tion qui a tout fait pour rele­ver l’Allemagne. Les yeux fer­més. Tra­vailler, com­battre, inno­ver, se sacri­fier… Je vous dis très fran­che­ment: je ne parle pas des nazis. Je ne veux même pas en par­ler et ça ne m’intéresse pas. Je parle de tout ce peuple, tout le reste de ce peuple qui… ils ont subi les foudres du monde entier alors qu’il était mené dans une folie meur­trière par… enfin… par une élite… de fous. Bien sûr que beau­coup ont com­po­sé avec le régime, même qui ont adhé­ré. Je sais… Bon, moi je sais tout ça parce qu’on par­lait déjà à l’école… vous savez, j’était tout petit, 1o ans peut-être, mais j’ai connu encore la déna­zi­fi­ca­tion. Et à la mai­son… eh bien à la mai­son c’était un autre son de cloche. Marthe et moi on ne savait plus à quel saint se vouer, pour ain­si dire. Puis les choses se sont un petit peu cal­mées… disons que tout com­men­çait à ren­trer dans l’ordre. Comme disait ma mère, il y avait un pays à recons­truire, de nouveau…On nous a aidés, très bien, je ne dis pas le contraire, mais… com­ment vous dire ? un peu comme le Japon, eux ça a été pire que nous, mais à part les deux bombes, l’Allemagne était table rase, enfin… donc comme le Japon, à peine vingt ans après la guerre on était… pour ain­si dire on était de nou­veau debout !! Vous vous ren­dez compte ? Ces gens-là, comme mes parents, c’est eux qui ont remis l’Allemagne sur pieds. Si vite. De ça, moi je suis fier, fier d’eux. Moi je fai­sais juste mon appren­tis­sage. Et aus­si tous ceux qui ont été recru­tés par les mili­taires: les méde­cins, les ingé­nieurs, les pro­fes­seurs… les artistes. Et même les ouvriers. Je ne vais jamais oublier mon maître d’apprentissage, Herr Schleiss, qui m’a appris le métier. Non ! Qui m’a appris d’aimer mon métier ! Vous me direz que je ne suis pas objec­tif, mais pour moi c’est eux qui ont pous­sé, qui ont relan­cé la socié­té, ceux de l’âge de mes parents, et ensuite… ils nous ont pas­sé le relais si vous vou­lez. Moi je crois que pour la plu­part ça a été… leur géné­ra­tion a été une géné­ra­tion… je dirais sacri­fiée. Cer­tains comme sol­dats à Sta­lin­grad, ou ici en Moselle, ou dans les U-Boot, Dieu sait où, d’autres comme ouvriers chez Krupp ou Hoechst, ou comme com­mis­saires poli­tiques à Leip­zig ou… je ne sais pas, manœuvre à Rostock. Ou comme élèves à Ber­lin en bas du mur !… Moi je n’ai abso­lu­ment pas honte de saluer cette génération.»

«Celle de nos enfants… enfin, ceux qui sont venus après nous. Évi­dem­ment, ceux avant nous ils disent que tous ces sacri­fices, la guerre, la misère, ça a été fait pour nous. Ils l’ont fait pour nous. Ma géné­ra­tion. Et je suis prêt à le confir­mer. Le fait est que lorsque Anja et moi, Anja est Danoise, quand on a eu Kars­ten, c’était l’année des Olym­pische Spiele in Mün­chen. Quelle meilleure preuve qu’on était à nou­veau plei­ne­ment recon­nus ? D’accord, il y a eu cet hor­rible tra­gé­die avec les Arabes et les Juifs… mais ça n’a rien eu à voir avec l’Allemagne, et Brandt a fait tout le pos­sible pour… enfin, pour arrê­ter ça au plus vite. [N.D.L.A. Dis­cu­table…] Mais tout ça c’est du pas­sé, le fait est que nos enfants ont… quelque part, vous savez ? ils ont encore pro­fi­té des efforts de la géné­ra­tion d’avant la mienne. De la notre aus­si. Mais les années ’70, puis un peu ’80, ont net­toyé les mal­heurs pas­sés. Et eux ils n’ont eu qu’à pro­fi­ter de cette pros­pé­ri­té. Moi j’avais un salaire confor­table chez Märk­lin, can­tine, quatre semaines de vacance, Anja tenait une épi­ce­rie cinq jours par semaine de… de sept heures du matin à sept heures du soir avec… quatre ven­deuses, sur la Schu­berts­trasse. On allait en vacances avec les enfants, Kars­ten et Ger­da, on allait chaque année en Ita­lie ou en Grèce, ou l’Espagne. Eux ils ont fait du sport, Kars­ten du bas­ket, il fait 1m92, elle de l’athlétisme. Et aus­si du pia­no. Vous savez, par­fois je me deman­dais… j’étais en dépla­ce­ment avec le tra­vail à Frank­furt, je buvais une bière sur une ter­rasse, je regar­dais la ville et je me deman­dais com­ment on a fait ?! Com­ment nos parents avaient fait ? Et nous après. C’était le temps de ces déments de Baa­der-Mein­hof… des gens de mon âge qui avaient per­du la bous­sole, mais l’Allemagne se por­tait déjà bien et moi j’étais aus­si fier de ce que je voyais… pas seule­ment de ce que mes parents avaient fait. On avait gagné deux fois la coupe du monde. Sur­tout on avait Kai­ser Franz. Oh oui, ça a été une belle époque. Le monde s’arrachait nos voi­tures, et pas que ça. J’étais fier du Made in Ger­ma­ny, oui, oui… Mais c’est vrai­ment le sport où… tous les quatre ans on était par­mi les meilleurs aux Jeux Olym­piques… tu ne pou­vais pas te mesu­rer aux Amé­ri­cains, cinq fois plus nom­breux et qui ont des moyens… vous savez, ni aux Russes qui met­taient tout leur bud­get natio­nal dans le sport ! Ha-ha-ha. Oui-oui, tous ces jeunes ont pu pro­fi­ter de cet… de cette pros­pé­ri­té, l’économie mar­chait bien, nos jouets se ven­daient bien, rien à dire. Mais le meilleur cadeau a été la chute du mur. Je me rap­pelle comme hier, ces filles et ces gar­çons que dan­saient sur les décombres. On avait tous les larmes aux yeux. Pour nous ça a été irréel. Ah, vous savez, c’est des pages d’histoire qu’on est content d’avoir vécu.»

[…]

[25 juin 2020 – 12 novembre 2021]

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