24 décembre, après-midi, jour unique, jour d’extrême torture pour les moins nombreux et de suprême gloire pour les plus nombreux.
« Bon, il faut que je force pour ce cadeau. » Iris F. est une mère accomplie. Sa fille passe en premier. Dans ce cas, cela signifie qu’en disant ce cadeau, elle pense : LE cadeau qui comblera sa chère Julia.
Louis B. a ficelé son brave Alex – à l’affût depuis une semaine – pour qu’il croie que même ce matin son père travaille. Sinon l’effet de surprise aurait été ruiné, et par la suite tout le bonheur qui vient avec.
Le mall craque, bazar de jouets en tête. Chaussures, sport, habits, gâteaux aussi. L’intérêt des enfants pour la vaisselle, les meubles et les cigares étant nul, les parents osent alors l’informatique: Wii, Xbox, Pebble, Playstation, iPhone. Mais les prix alors !… Retour donc aux jouets.
« Voyons déjà pour une Barbie », dit Iris F., se rappelant vite que les Barbies estropiées de sa petite Julia gisent sous le lit. Pharmacie, lapin, trousse de beauté, télescope: idem. Bingo: resterait l’appareil karaoké, la Catwoman latex, le robot Zuppy-Dog, la planche FastDrive. Elle se décide enfin pour une poupée Draculaura polymère.
Pour Louis B. c’est un peu pareil, sachant que le cher Alex, cela fait un bail depuis qu’il a lâché microscope, rollers, camion, puzzle et lego, l’heure étant au Humanoid, Batroborg, GTA, Super Blaster et autres Transformers. Vive alors le LightSaber de Yoda !
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Écroulé sur une banquise de Väylä, en Laponie, devant son igloo qui commence a fondre suite au changement climatique, à côté de son traîneau rouillé et de son attelage de rennes affalés puisque réduits à l’état végétatif, appuyé à l’immense sac en toile de jute débordant de nounours et de tambours, un tout vénérable monsieur verse des larmes de glace.
Dépassé, inconsolé, obsolète, brisé, c’est qu’il se meure, notre bon vieux Père Noël.
[14 janvier 2016]